L’Europe en pièces. D’après une histoire d’Alberto García Sánchez

En coproduction avec le FITZ! Zentrum für Figurentheater Stuttgart et le Théâtre La Canopée de Ruffec (France).

Des comédiennes et une metteuse en scène se retrouvent pour répéter l’une des plus anciennes pièces de théâtre du monde, Les Suppliantes d’Eschyle. Dans cette pièce, cinquante femmes fuient le mariage forcé et cherchent asile sur Argos, riche ville du Péloponnèse. Mais nos comédiennes et leur metteuse en scène ont bien du mal à s’entendre sur la façon dont elles pourraient ou voudraient représenter « aujourd’hui » une œuvre somme toute très actuelle. Le lieu où elles ont décidé de répéter, une maison entourée d’un jardin paradisiaque, doit leur offrir tout le calme et la beauté propices à éveiller leur sensibilité pour, espèrent-elles, les aider à se glisser dans la peau de leurs personnages. Mais comment, les sens titillés par le doux parfum des fleurs du jardin, le vol gracieux des papillons, le bruit du vent dans les arbres…. oui, comment mettre en scène et parler du sort terrible des exilés auxquels les riches démocraties ne veulent guère tendre la main ? Les cinq comédiennes, championnes de leur concert théâtral, font fi des frontières de la prospérité, de la compassion et de la solidarité et racontent avec un humour doux-amer la force explosive de l’humanité et la démocratie. Au cours des vingt dernières années, l’Ensemble Materialtheater de Stuttgart, dont le noyau dur est constitué d’Alberto García Sánchez, Sigrun Kilger et Annette Scheibler, s’est forgé dans le monde du théâtre un profil bien à lui et politiquement engagé. Coopérant avec des artistes venus de toute l’Europe, la compagnie crée des spectacles qui se jouent des frontières. Pour Le Jardin, l’Ensemble s’est associé à la comédienne et metteuse en scène italienne Francesca Bettini, à la chanteuse et lauréate du Prix des Arts du cabaret du Bade-Wurtemberg Sandra Hartmann et à la marionnettiste berlinoise Alexandra Kaufmann.

LE JARDIN est le premier volet de notre série l’EUROPE EN QUATRE CHAPITRES.

“le jardin” dans la presse

Stuttgarter Zeitung “Le numéro de téléphone d’Eschyle”

Théâtre d’objets: Drôle, léger, intelligent. Elles veulent jouer Les Suppliantes d’Eschyle. « Cette langue!, jubile Masha, je veux à tout prix le numéro de téléphone de cet Eschyle! » Cinq femmes font du théâtre. Elles jouent Eschyle sans hommes. Le jardin est le nom de ce nouveau spectacle présenté au Fitz, une co-création des compagnies « Materialtheater » de Stuttgart et « Théâtre Octobre » de Bruxelles. De cette collaboration est née une réflexion ironique et parfois insolente sur le théâtre et sa fonction: Le théâtre doit-il réagir aux événements présents et si oui, comment ? L’histoire d’Alberto Garcia Sánchez se déroule en Grèce, dans un jardin idyllique. Des femmes vont et viennent : ici un bavardage sous un cyprès, là une escarmouche près du fil à linge. Ces scènes et incidents s’enchaînent avec tant de légèreté et d’humour qu’on se croirait dans une comédie du cinéma français. Pendant les répétitions, ces femmes sont pourtant les « agneaux poursuivis par le loup », de nos jours, on dirait d’elles qu’elles ont fui la violence des hommes et cherchent asile. Mais le grand Théâtre trébuche sur banalités de l’Être. Tandis que les femmes d’Eschyle récitent en chœur, pense l’une à ses enfants et une autre se demande qui a bien pu utiliser son shampooing. Annette Scheibler joue une assistante trop zélée et un peu folle, Sigrun Kilger traque la « mauvaise herbe » entre les répétitions. Alexandra Kaufmann et Sandra Hartmann se glissent dans le rôle des enfants tandis que Francesca Bettini essaie de sauver l’esprit de l’Antiquité. Le jardin est singulier et plein d’idées, mais le spectacle est avant tout porté par la performance de ses interprètes féminines. Depuis quelques temps, le théâtre d’objets stuttgartois revient aux avants-postes, Le jardin perpétue ce succès de la plus belle façon.

Stuttgarter Nachrichten “La mort dans une mer de sacs poubelles.” La compagnie « Materialtheater » présente Le jardin au Fitz.

C’est à la fin de ce spectacle poétique à l’humour teinté d’amertume qu’a lieu la scène la plus impressionnante : D’énormes masques serrés les uns contre les autres, aux regards vides et aux bouches béantes criant à l’aide, disparaissent dans les remous d’une mer de sacs poubelles bleus. Ce sont des femmes qui se noient en voulant fuir la violence des hommes. À travers leur spectacle, les compagnies du « Materialtheater » de Stuttgart et du « Théâtre Octobre » de Bruxelles s’interrogent sur les formes théâtrales permettant d’exprimer les atrocités quotidiennes de ce monde. Le spectacle a été créé à partir d’une histoire écrite par Alberto García Sánchez. Dans sa mise en scène, Alberto García Sánchez offre aux talentueuses comédiennes Francesca Bettini, Sandra Hartmann, Alexandra Kaufmann, Sigrun Kilger et Annette Scheibler un canevas idéal à l’interprétation mordante de leurs personnages de femmes de théâtre. Celles-ci ont abandonné pour quelque temps le havre rassurant de leur quotidien et, recluses dans un jardin raffiné, essaient de répéter Les Suppliantes d’Eschyle. La quête des formes exprimant le mieux la peur des cinquante femmes fuyant le mariage forcé prend des allures d’atelier-théâtre amateur. Le sort des fugitives passe au second plan au profit d’interrogations triviales comme celles de savoir si du sable bleu pourrait représenter la mer ou si l’impérialisme pourrait être symbolisé par du ketchup. Quel délice de voir ces comédiennes moquer l’étroitesse d’esprit et l’arrogance dans lesquels s’égarent leurs personnages quelque part entre leurs tâches quotidiennes, leur quête d’une parfaite tonalité tragique et la suffisance d’une humanité engourdie.

Ludwigsburger Kreiszeitung “Un regard critique sur le théâtre et la vie.” Comment le théâtre peut-il aujourd’hui réagir à la misère quotidienne ? Y parvient-il vraiment ? Les compagnies « Materialtheater » et « Théâtre Octobre » de Bruxelles en ont fait le thème du Jardin, le nouveau spectacle à l’humour mordant qu’ils présentent au FITZ. Cinq femmes se sont réunies dans un jardin pour y répéter Les Suppliantes d’Eschyle. Il s’agit de savoir comment, de nos jours, on aide les étrangers en détresse, mais surtout comment le théâtre lui-même peut réagir à cette détresse. Les personnages féminins du spectacle ignorent le contexte historique de la pièce d’Eschyle, mais se pâment devant la poésie de sa langue : « Je veux à tout prix le numéro de cet Eschyle ! » Oui, et le sable sera-t-il bleu ? Vingt tonnes de sable bleu sur la scène ? C’est au détour de ces questions que s’égarent ces dames, qui répètent un peu, papotent beaucoup et se font du souci pour leurs bambins tout en étendant leur linge. Et à la question de savoir comment représenter la douleur des cinquante femmes fuyant leurs maris, elles répondent avec un angélisme féroce. Derrière ce regard critique posé sur le monde du théâtre se profile une satire sociale à l’humour décapant qui épingle le mépris dont fait preuve la société européenne envers la détresse des personnes qui, de nos jours, cherchent asile chez elle. Alberto Garcia Sanchez a non seulement écrit une œuvre complexe, il l’a aussi mise en scène avec brio. A la réussite de cette pièce contribuent aussi beaucoup les comédiennes Annette Scheibler, Sigrun Kilger, Sandra Hartmann, Alexandra Kaufmann et Francesca Bettini qui se dédient totalement à leur rôle, se jouant au sens propre du terme des différences entre théâtre et esthétique du théâtre d’objets.